La nuit était lourde.
Kael se tenait seul dans la salle des armes d'Althera, le bruit des armes qui se croisaient au loin semblant se dissoudre dans le silence oppressant qui pesait sur lui. Son bras, marqué du sceau de Varkhaz, brûlait comme un fer rouge.
Chaque mouvement, chaque pensée, semblait alourdir l'atmosphère autour de lui. Le symbole, cet œil sanglant qui luisait dans la nuit, n'était plus un simple souvenir : c'était une présence vivante, pulsant à travers sa chair.
Il n'avait pas encore osé chercher un moyen de l'enlever. Il sentait que cela risquait de déchirer son âme, de libérer quelque chose de bien plus sombre. Mais le sceau l'appelait. Il sentait qu'il n'était qu'à un souffle d'une révélation… ou de sa perdition.
Il se pencha sur la table où il avait posé ses armes, mais son regard se perdait sur son bras. Les filaments noirs du symbole semblaient se faufiler sous sa peau, se déplaçant comme des serpents.
Des voix.
Il les entendait de plus en plus clairement.
“ Libère-toi. Tout ceci n’est qu’une illusion, Kael.Brise tes chaînes, et tu verras ce que tu pourrais devenir. Ce que tu dois devenir.“
Il ferma les yeux, se concentrant pour repousser l'ombre de la voix. Mais elle s'immisçait dans ses pensées. Varkhaz ne parlait pas seulement à travers le symbole. Il parlait à sa conscience, à son âme. Chaque instant où il restait à Althera, chaque décision qu’il prenait… la voix se renforçait.
“ Kael… pourquoi te battre pour un royaume de faibles ? Pourquoi protéger ceux qui t'ont trahi, rejeté ? Viens à nous. Crée ton propre empire. Un empire des véritables héritiers du sang.“
Le poids du sceau était devenu une pression incessante. Il se leva brusquement, écartant les idées sombres de son esprit.
Le bruit de pas le fit se retourner. C'était Sira, silencieuse, l’air préoccupée, observant la scène.
“Tu vas bien ?“ demanda-t-elle doucement.
Kael tenta de masquer son tourment. Il sourit, une expression qui ne parvenait pas à dissimuler son malaise.
“Oui… juste… un peu de fatigue. Rien de plus.“
Mais Sira n'était pas dupe. Elle s'avança vers lui et saisit son bras marqué. Une étrange chaleur émana du symbole.
“ Qu'est-ce que c'est, Kael ? Ce symbole… Il ne s’agit pas de magie ordinaire. Il te change. Je le sens.“
Kael la repoussa doucement, mais son regard était troublé. Il avait toujours protégé ceux qui lui étaient chers, mais la vérité s’imposait à lui : ce sceau l’effrayait. Il n’avait jamais voulu de ce pouvoir. Il n’avait jamais voulu de cette hérédité.
“ C’est… compliqué, Sira. Ce n’est pas quelque chose que je peux simplement expliquer.“
Mais la vérité était bien plus sombre qu'il ne l'avait laissé paraître. Varkhaz, l'un des plus grands géniteurs, l’avait marqué pour toujours. Et il ne savait pas comment se libérer. Peut-être que ce sceau n’était qu’un premier pas… un avertissement qu'il n’était qu'un pion dans un jeu plus vaste que celui de l'Empire.
Sira scrutait son visage, puis, après un long silence, elle hocha la tête.
“ Je vais chercher un moyen de t’aider, Kael. Mais tu dois comprendre une chose : ce n'est pas simplement le sceau qui te transforme. C'est ce qu'il représente. Varkhaz a voulu être dieu, et tu portes une partie de lui. Si tu ne fais rien… il reviendra à toi.“ Elle marqua une pause, ses yeux s’assombrissant.
“ Tu as choisi de lutter, Kael. Mais fais attention à ne pas devenir ce que tu détestes. Parce que chaque fois que tu utilises ce pouvoir, tu nourris ce qui se cache en toi.“
Le lendemain, une frayeur balaya la cité.
Une ombre noire était apparue sur les murs d'Althera, un signe visible à tous. Cette ombre était le reflet du symbole sur le bras de Kael, projetée sur les murs de la cité, grandissant à chaque heure.
Les Enfants d'Omnath, les créatures qui avaient été scellées avec le Sombre Parjure, se révélaient, et ils prenaient maintenant forme.
Au sommet de la tour de guet, Kael regarda la créature massive qui se dessinait dans le ciel. Un géant d’ombre, constitué de ténèbres et de fer, une silhouette inquiétante, ressemblant à une fusion d’hydre et de démon. Ses yeux, multiples et lumineux, se posèrent sur lui.
“ Ton âme m’appartient.“
Kael sentit une secousse dans son cœur. Le Sceau réagit, vibrant dans sa peau, comme s’il essayait de le posséder entièrement. La créature dans le ciel était l’Enfant d’Omnath, et il était le maître de ce pouvoir.
Il serra les dents, mais il savait qu'il n'avait plus le choix. Le jeu était lancé. Et le sceau n’était pas juste un lien avec le passé, mais un pouvoir actif, dangereux, au service de ceux qui viendraient réclamer ce qui leur appartenait. Le combat pour Althera allait commencer… et Kael allait devoir choisir qui il deviendrait.
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Les cieux au-dessus d’Althera se sont assombris, comme si le soleil lui-même s’éteignait devant la présence de l’Enfant d’Omnath. Son ombre, massive et déformée, se dessinait sur les murs de la cité, un reflet de la peur ancienne qui rongeait l’histoire oubliée des géniteurs et des démons.
Mais qui étaient vraiment ces Enfants ? D’où venaient-ils ?
Des millénaires avant l’Empire, avant même que le royaume des vampires ne s’établisse dans ses propres royaumes, il existait une époque où le monde était peuplé d'êtres dotés de pouvoirs incompréhensibles. Les Premiers, des êtres créés dans un mélange d’âmes et de sangs d’entités cosmiques, de démons et d'humains. Ils étaient les premiers à fouler cette terre et à façonner les bases de la magie.
Parmi eux se trouvait Omnath, une entité née des ruines d'un univers oublié. Omnath n’était ni un dieu, ni un démon — il était une force primordiale, un écho des cieux et des abysses. Lors de sa venue dans ce monde, il chercha à imprégner toute vie de son propre souffle de création et de destruction, une idée pure de renouveau, mais aussi de chaos absolu.
Les Géniteurs, ces premiers vampires, furent appelés pour empêcher cette omnipotence. Mais au lieu de le détruire, ils s’opposèrent à lui dans une guerre qui marquerait l’histoire à jamais. Dans leur quête pour l’arrêter, ils scellèrent Omnath dans un artefact — un sceau d’âme, enchaînant son essence et l’empêchant de renaître.
Mais Omnath n'était pas du genre à accepter d'être emprisonné.
En secret, Omnath corrompit plusieurs des Géniteurs, dont Varkhaz, l’un des plus puissants. Varkhaz, égaré par la promesse de pouvoir absolu, chercha à briser les chaînes qui retenaient Omnath, tout en ignorant que la libération de l’entité viendrait avec un prix terrible.
Dans ses expériences, Varkhaz fusionna les lignées — vampires, démons, et humains — pour créer une nouvelle race. Ces enfants ne seraient ni hommes, ni vampires, ni démons, mais un amalgame de ces trois. Ils seraient les héritiers d’Omnath, les Enfants d’Omnath, porteurs de sa puissance, capables de réveiller l’entité.
Mais au moment où les premières créations furent prêtes à naître, un cataclysme se produisit. Le sceau d’Omnath, affaibli par les expériences de Varkhaz, explosa sous la pression. Les Enfants d’Omnath furent libérés de leur prison, mais l'énergie qu’ils contenaient leur fit perdre toute humanité.
Ils devinrent des créatures de pure destruction, dévorant tout sur leur passage. Ils n'étaient plus des êtres pensants, mais des réceptacles vivants de la folie d'Omnath, prêts à tout pour satisfaire les désirs de l’entité.
Varkhaz, voyant l’ampleur de sa folie, tenta de contrôler les Enfants, mais la tâche était impossible. L’entité avait un pouvoir plus vaste que ce qu’il avait imaginé. En dépit de son désir de domination, Varkhaz fut consumé par la furie de ses propres créations, et son nom disparut des annales de l’histoire.
Cependant, les Enfants d'Omnath ne périrent pas. Certains furent scellés dans des lieux éloignés et oubliés, d'autres dormirent, cachés, attendant le jour où un être purifié par le sang pourrait les réveiller.
Et cet être arriva en la personne de Kael.
Le sceau sur son bras n’était pas seulement une marque de pouvoir — c’était le lien entre Kael et les Enfants d’Omnath. Kael, descendant de Varkhaz, portait en lui la clé qui permettrait à ces créatures de sortir de leur sommeil éternel.
Les Enfants, longtemps réduits à des ombres, avaient retrouvé leur forme physique, attirée par le pouvoir grandissant de Kael. Ils avaient perçu son connexion avec Omnath, et le sceau agissait désormais comme un phare, un appel à la destruction.
Ce n’était pas seulement une menace pour Althera. L’équilibre du monde entier était en jeu. Le sceau de Varkhaz, porté par Kael, était l’étincelle d’un cataclysme à venir — la renaissance d’Omnath.
Le seul moyen de stopper cette menace était de briser le sceau, mais le prix était incalculable. Car si Kael brisait le sceau, il se séparerait à jamais de ce pouvoir, et la force qui couvait en lui disparaîtrait. Mais cela impliquerait aussi une perte d’identité, et la fin de sa quête pour la vengeance.
Kael était pris au piège. Choisir de détruire le sceau risquait de tuer la possibilité d'une victoire contre ses ennemis, mais le laisser intact signifiait donner naissance à des puissances qui risquaient de détruire toute vie sur cette terre.
Les Enfants d'Omnath s'étaient réveillés, mais le véritable combat venait à peine de commencer. Kael ne pouvait plus fuir. Le destin l’avait marqué, et désormais, tout ce qu'il entreprenait le mènerait à un choix final : le sceau ou la destruction.