Après tout ça, je me dirigeai vers ma chambre, en titubant.
Je n’arrivais toujours pas à croire que j’avais encore tué.
Mais cette fois… je n’avais ressenti aucun remords. Aucune nausée. Juste du vide.
— Bravo, Ash Veronica ! lança Dior, jambes croisées, assise tranquillement sur un banc, comme si tout ça n'était qu'un jeu
Je la fixai. Son ton était trop calme. Trop léger. Comme si elle m'avait félicitée pour avoir appris à faire du vélo sans les petites roues.
— Tu m’as suivie ? grognai-je, la voix rauque.
— Suivie ? Non. J’ai simplement… observé. Comme toujours, répondit-elle en tapotant doucement le banc à côté d’elle. Viens. Assieds-toi.
Je restai immobile. J'avais encore du sang sur les mains. Littéralement.
— T’as pas honte ? murmurai-je. Tu te rends compte de ce que j’ai fait ?
— Oui. Et je suis fière de toi.
— Fière ?! répétai-je, incrédule.
Elle sourit, un sourire froid, presque maternel.
— Tu comprends enfin, Ash. Ce monde ne veut pas de nous gentils. Il veut de nous... qu'on obéisse ou qu'on saigne. Et toi, tu apprends à faire saigner.
dit-elle avec un sourire qui me glaça le sang.
— Je parie que t’as envie de savoir pourquoi Mikhaïl t’a gardée, non ?
Je détournai les yeux, crispée.
— Laisse-moi. Je m’en fous de tout ça. En ce moment, j’ai qu’un seul objectif : rester en vie. Pas m’enfoncer encore plus dans ce foutu pétrin.
Elle se redressa, s’approcha de moi à pas lents, ses talons claquant sur le sol comme des coups de marteau dans mon crâne.
— Tu es la fille d’Elena, pas vrai ?
La larbine dévouée de notre chère Reine…
Celle que tu as ôté la vie.
Je me figeai.
Le monde autour de moi sembla s’arrêter.
Comment… comment elle savait ça ?
— Comment tu sais ça…? chuchotai-je, la gorge serrée.
— Oh, Ash… soupira-t-elle en tournant autour de moi comme un vautour. Tu crois que tu es la seule à avoir des secrets ?
Elle pencha la tête, ses yeux brillants d’une lueur étrange.
— Ce que tu ne sais pas, c’est qu’Elena n’était pas qu’une larbine. Elle faisait partie du cercle rapproché de la Reine. Une espionne. Une traitresse pour certains… une héroïne pour d’autres.
Je fronçai les sourcils. Mon cœur battait trop fort.
— Tu dis n’importe quoi. Elle se faisait traiter comme un chien. Elle suppliait pour du pain !
— Parce qu’elle l’a choisi, dit Dior avec un sourire tordu. Pour te protéger, Ash. Pour que tu grandisses loin du chaos.
Elle marqua une pause, puis planta son regard dans le mien.
— Mais maintenant, le chaos est venu à toi. Et il te reconnaît.
Je sentis mes jambes faiblir. Mon estomac se tordit.
Elle savait. Elle savait tout.
Et moi… je n’avais plus aucun endroit où fuir.
Je baissai les yeux, le souffle court. Puis je me redressai lentement, ravalant ma panique.
— Ok, t’as gagné… fis-je d’une voix plus posée. Dis-moi ce que tu sais.
Dior arqua un sourcil, visiblement surprise par mon calme soudain.
— Je pensais que tu allais fuir ou hurler.
— Non.
Je relevai la tête, plantant mon regard dans le sien.
— Si je dois sombrer… autant savoir pourquoi.
Elle m’observa un instant en silence, puis sourit comme une marionnettiste satisfaite.
— Sage décision. Peut-être que t’as plus d’Elena en toi que tu le crois.
Elle s’éloigna de quelques pas, ses doigts jouant avec une chaîne à son cou.
— Mikhaïl… il t’a gardée parce que ta mère l’a supplié, il y a longtemps. Elle a fait un pacte avec lui. Ta vie contre la sienne.
— Quoi ?!
— Oh oui. Tu crois qu’il t’a trouvée par hasard ? Non. Tu faisais partie du plan. Une dette. Une promesse.
Je restai muette. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine.
Je ne savais plus si je devais être en colère, terrifiée… ou soulagée d’avoir enfin une partie de la vérité.
Dior se retourna vers moi, les bras croisés.
— Alors ? Tu veux connaître le reste ? Ou tu préfères vivre dans l’ignorance ?
— Dior ! Je crois que t’en as assez dit, lança une voix ferme derrière moi.
Je sursautai. En me retournant, je vis un garçon appuyé contre le mur, les bras croisés, un air grave sur le visage.
— Hein ! Tyler, qui t’a sonné ? grogna Dior.
— C’est pas mieux que je la prévienne ? Au lieu de la laisser dans l’ignorance et qu’elle se fasse des films ?
Tyler s’avança de quelques pas.
— Peut-être. Mais t’oublies un truc : ton cher oncle te fait confiance. Et je suis pas sûr qu’il soit ravi que tu balances tout… comme ça.
Dior croisa les bras, réfléchit une seconde, puis esquissa ce sourire tordu que je commençais à redouter.
— T’as peut-être raison, dit-elle, un éclat étrange dans le regard.
Puis, comme si de rien n’était, elle tourna les talons et s’éloigna lentement, son sourire toujours figé sur ses lèvres. Un sourire qui vous laisse froid, même en plein été.
Une fois qu’elle eut disparu, Tyler soupira.
— Désolé, mademoiselle. Elle est… comme ça. Elle essaie de suivre les traces de son oncle. Mais elle s’y prend un peu… violemment.
Je le regardai, les sourcils froncés.
— Et toi ? Tu joues quoi exactement ? Le bon flic qui rattrape les conneries du mauvais ?
Il esquissa un léger sourire, sans chaleur.
— Pas vraiment. Je fais juste en sorte que les choses ne dérapent pas… trop vite.
Je me décalai légèrement, gardant mes distances.
— T’es là pour me surveiller, c’est ça ?
— Peut-être. Peut-être pas.
Il haussa les épaules, l'air faussement détaché.
— Disons que je suis là pour éviter que tu deviennes un problème.
— Trop tard, lâchai-je sèchement. J’en suis déjà un.
Il me fixa un instant, son regard sombre légèrement amusé.
— Alors fais en sorte d’être un problème utile. Sinon… d’autres décideront quoi faire de toi.
Je restai silencieuse. Il tourna les talons, prêt à partir, puis s’arrêta une dernière fois.
— Reste en vie, Ash. Même si tu penses que c’est pas ce que tu veux. Parce que nous, on a des projets pour toi. Et crois-moi… certains sont pires que la mort.
Puis il disparut dans le couloir.