Un œil après l'autre, Kazuto entrouvrit les paupières, avec difficulté. Des lueurs éclatantes l'aveuglèrent aussitôt, le plongeant dans la confusion. Il peinait à comprendre ce qu'il se passait, pris de court par ce changement soudain de lumière.
Une fois ses esprits retrouvés, Kazuto réalisa que l'endroit où il se trouvait n'avait absolument rien à voir avec celui où il était censé être. Un décor utopique. Il se tenait sur une vaste étendue verdoyante, perdue au milieu de nulle part, mais offrant une vue imprenable sur une ville au loin.
Une cité immense composée de bâtiments en marbre et en or, comme sortie tout droit d'un rêve futuriste. Des gratte-ciels gigantesques semblaient se maintenir grâce à d'énormes engrenages. Des structures technologiques inconnues surgissaient ici et là, et des vaisseaux volants rappelant des montgolfières motorisées sillonnaient le ciel, propulsés par des systèmes que Kazuto n'aurait jamais pu imaginer dans son propre monde.
Cette cité paraissait appartenir à un avenir lointain, à des milliers d'années du présent. Et pourtant, elle se dressait là, juste devant lui, à quelques kilomètres de marche à peine. Le choc de cette vision effaça aussitôt le souvenir de son arrivée, presque magique, comme une téléportation. Mais au fond de lui, Kazuto sentait bien qu'il ne s'agissait pas d'une simple téléportation. Non, c'était différent. C'était comme une auto-invocation vers une autre dimension. Impossible de revenir en arrière en tout cas, pour l'instant mais curieusement, cela ne le dérangeait pas. Il ne cherchait pas à rentrer chez lui. Il voyait au contraire cette expérience comme une opportunité. Une chance de se reconstruire une vie, libre, paisible, pleine de découvertes.
Notre fan de mangas vivait littéralement un rêve éveillé. Peut-être s'apprêtait-il à vivre les aventures qu'il avait toujours imaginées à travers ses héros préférés. Déjà, il s'était mis en route, décidé à rejoindre cette mystérieuse cité. C'était le seul signe de civilisation alentour. La marche dura plusieurs heures, bien que, plongé dans ses pensées, Kazuto n'en perçut que quelques secondes. La ville était entourée d'un mur colossal, percé d'une immense brèche servant d'entrée.
Alors que son regard se recentrait sur ce chemin, un détail attira son attention. Juste à l'extérieur de la ville, adossé au mur, un humanoïde de taille normale gisait au sol. Son corps, recouvert d'une matière inconnue, semblait inerte. Déchargé ? Mort ? Impossible à dire. Ce robot, quoi qu'il soit, n'était clairement pas en état de fonctionner. Kazuto préféra ne pas s'attarder et continua sa route. À peine franchie la brèche, de larges avenues s'ouvrirent devant lui. Des commerces, des immeubles gigantesques, des jardins, de nombreuses fontaines... Des drones volaient dans les airs, des robots marchaient aux côtés des humains. À mieux y regarder, ces humains-là, comme Kazuto, semblaient tous avoir subi des modifications corporelles : bras mécaniques, yeux bioniques... Pour certains, le doute s'installait : étaient-ils vraiment humains à l'origine ?
Cette ville soulevait mille questions et éveillait mille mystères. Kazuto décida d'aller à la rencontre de l'un de ses habitants. Il interpella une personne, apparemment entièrement robotisée, et lui demanda, d'un ton insouciant :
Kazuto — Où sommes-nous ?
L'individu lui répondit simplement, comme s'il s'agissait d'une question banale :
Robot — Vous êtes à Araciality, un pays prospère où tout le monde est accepté, et où le crime n'existe pas.
Intrigué, Kazuto enchaîna :
Kazuto — Depuis quand vivez-vous ici ?
Robot — Depuis ma création, il y a 3000 ans.
Kazuto— 3000 ans ?! Mais... comment un robot comme vous a-t-il été créé ?
Robot — Robot...?
L'être ne répondit pas. Il se détourna, visiblement vexé, et s'éloigna sans un mot de plus.
La première interaction de Kazuto se termina ainsi, de manière brusque. Déconcerté, il reprit sa marche. En observant davantage les passants, il remarqua qu'à la nuque de chacun était gravé un mot : ANDROID, suivi d'un numéro de série, comme ANDROID 3K554. Il comprit alors que le mot robot était sans doute mal vu à Araciality. Cela expliquait la réaction froide de son interlocuteur. Mais déjà, la faim et la fatigue se faisaient sentir. Il lui fallait trouver de quoi manger et un endroit pour dormir. Le soleil baissait lentement à l'horizon, annonçant la première nuit dans cette cité éclatante. Par chance, ou peut-être guidé par le destin, Kazuto se retrouva devant une auberge. Un petit bâtiment doré, coincé entre deux grands immeubles, en bordure d'avenue. Il s'en approcha, sûr de lui, ne voulant pas paraître perdu. L'intérieur contrastait fortement avec l'extérieur : tout était blanc, épuré, minimaliste. Au centre, un bureau de verre aux reflets bleus, sur lequel reposait une simple sonnette argentée. Kazuto s'avança, et sans trop réfléchir, il fit retentir la clochette. Un grincement se fit entendre. Le plafond s'ouvrit, laissant descendre un écran transparent monté sur un bras articulé.
Télé — Bonjour, je suis Cicila, votre conseillère pour cette auberge. Puis-je vous aider ?
Kazuto — Bonjour, je voudrais réserver une chambre pour la nuit.
Cicila — Bien entendu. Nos chambres sont disponibles à 8 ISO la nuit.
Kazuto — L'ISO ?
Cicila — Oui, ISO. C'est la monnaie officielle d'Araciality.
Kazuto — Je viens tout juste d'arriver... Serait-il possible de payer plus tard ?
Cicila — Je suis désolée, ce n'est pas possible.
Kazuto — D'accord, merci quand même.
Cicila — OFF.
Kazuto quitta donc l'auberge, bredouille.
La nuit tombait doucement sur Araciality.